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Marie Mendras, politiste : « L’élimination d’Alexeï Navalny et la guerre en Ukraine sont les deux faces d’un système mortifère »

En février 2021, devant un tribunal de pantins, Alexeï Navalny dit haut et fort : « Vladimir Poutine restera dans l’histoire comme l’empoisonneur. » Il avait miraculeusement survécu à un empoisonnement au Novitchok en août 2020. Il avait osé survivre et défier ses assassins, une équipe du FSB qui le suivait à la trace depuis 2016. Pendant ses trois années d’incarcération dans des conditions inhumaines, il n’a cessé de dénoncer un régime criminel et la guerre d’agression de l’Ukraine, qui « fait des dizaines de milliers de morts dans la guerre la plus stupide et la plus insensée du XXIe siècle ».
Son message tenait en deux mots : Poutine tue. Navalny avait un talent particulier pour tout dire en une formule, talent que ses disciples ont fait leur : « Pas mort, mais tué », lisait-on sur la pancarte d’une Pétersbourgeoise, vendredi 16 février. En ce jour tragique, des milliers de Russes ont bravé l’interdit et lui ont rendu hommage dans de nombreuses villes. Sur les réseaux sociaux, des millions de Russes endeuillés ont exprimé leur douleur et leur colère.
La révolution Navalny a commencé en 2011, quand il s’est engagé dans le combat pour des élections libres, pluralistes et honnêtes. Pour protester contre la fraude des législatives de décembre 2011, il a lancé le slogan « A bas le parti des escrocs et des voleurs ! », qui a conquis les esprits. Le pouvoir volait les voix, la corruption était économique et politique. En 2013, il se présente à l’élection de maire de Moscou, alors qu’il est sous contrôle judiciaire, et remporte officiellement 27 % des voix – en réalité un bon tiers, avant manipulation des résultats. Puis il lance son mouvement politique et ouvre des QG dans plus de quarante provinces de Russie. Il lui est interdit de se présenter à l’élection présidentielle de mars 2018, et il purge plusieurs peines en prison pendant cette période.
Avec son équipe de la Fondation anticorruption, Navalny a méthodiquement démonté la mécanique de la dictature. Il exposait l’incurie et la corruption du pouvoir par la démonstration des faits et méfaits, preuves à l’appui, avec une bonne dose d’humour. Quand on ouvre un documentaire de « Navalny Live » sur YouTube, on ne décroche pas. On est emporté par le rythme du récit, la spirale des abus, la vulgarité des puissants. Poutine et ses services spéciaux n’ont pas réussi à empêcher la diffusion des enquêtes de la Fondation (qui continue de travailler en exil). Son émission quotidienne était très suivie.
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